Dans la construction d’une technique, l’atémi a différentes fonctions qui présentent des caractéristiques communes :
L’atémi est étroitement lié au principe d’Irimi qui se caractérise : - par l’intention et la détermination (Shin) ; - par une réelle distance de frappe et un contrôle de l’axe médian (Gi).
Pour autant l’atémi n’est pas porté. Il est plus persuasif que dissuasif dans la mesure où son rôle est de contribuer à diriger, orienter ou canaliser le partenaire dans le sens de la technique en préservant son intégrité et sans créer les frustrations et la surenchère que pourrait engendrer la dissuasion ;
L’atémi est fondé sur le principe d’action/réaction ;
Il fait partie intégrante de la technique et contribue à l’une des phases de sa construction. Il vient en complément, il n’est jamais une action séparée de la technique.
Les différentes fonctions de l’atémi peuvent être identifiées à partir des phases de construction : le placement, le déséquilibre et l’engagement du corps.
A travers quelques exemples nous nous proposons de mettre en évidence quelques-unes de ces fonctions.
A. L’atémi dans la phase de placement.
1er exemple : KATATE DORI (placement à l’intérieur) Dans cet exemple, le placement présenté est valable pour un ensemble de techniques. L’atémi manifeste le principe d’Irimi : détermination et distance de frappe. Cette application du principe d’Irimi à travers l’ atémi, permet à Tori de changer la distance. Uke réagit à l’atémi en s’écartant (principe d’action/réaction). L’atémi a pour fonction, d’amener Uke dans une distance qui lui est moins favorable et ainsi d’amorcer la phase de déséquilibre. L’atémi participe au placement dans la mesure où il permet à Tori d’une part d’être centré et d’autre part d’être orienté vers le partenaire ; le centrage et la direction sont des éléments déterminants dans la phase de placement.
2ème exemple : YOKOMEN UCHI (entrée directe en gyaku hammi) Dans cet exemple on retrouve les principes d’Irimi et d’action/réaction évoqués précédemment. La main qui vient au visage a pour fonction cette fois de stopper le partenaire dans une distance qui permettra ensuite d’enchaîner la technique (gokyo, ikkyo ura, shiho nage ura….). La frappe est contrôlée à sa naissance, Uke n’a pas la possibilité de développer son attaque. Comme dans l’exemple précédent, l’atémi contribue à unifier le corps (centrage) et à orienter l’action vers le partenaire.
3ème exemple : KATA DORI MEN UCHI ou USHIRO ERI DORI Dans les deux situations ce placement est valable pour un ensemble de techniques. Dans le placement, Tori utilise l’atémi pour solliciter uke et l’amener à prendre un contact. A partir du contact Tori exécute la technique. Là encore les principes d’Irimi et d’action/réaction sont parfaitement illustrés.
B. L’atémi dans la phase de déséquilibre
4ème exemple : YOKOMEN UCHI (entrée intérieure) Dans certaines situations, l’atémi est déterminant à la fois pour le placement et le déséquilibre, lorsque ces phases se superposent plus ou moins. C’est le cas, par exemple, sur katate dori ; ça l’est encore plus sur yokomen uchi (entrée intérieure). Comme dans les exemples précédents, l’atémi participe à la phase de placement. Par la pression qu’il exerce sur Uke il est aussi à l’origine du déséquilibre que Tori devra exploiter pour exécuter différentes techniques (shiho nage, kote gaeshi, irimi nage….)
5ème exemple : KATATE DORI uchi kaïten nage, sumi otoshi… Dans ces situations, il s’agit de mettre le partenaire là où l’on n’est pas, de détourner son attention pour exécuter la technique. L’atémi permet de créer un déséquilibre vers le haut soit pour passer sous le bras et réaliser des techniques en uchi kaïten, soit pour que le corps s’engage vers le bas comme dans sumi otoshi. L’équilibre entre les deux mains, une vers le bas (celle de la saisie) l’autre vers le haut (celle de l’atémi), maintient le partenaire en extension et le mobilise.
6ème exemple : KAÏTEN NAGE Les exemples précédents ont montré que l’atémi peut avoir pour fonction d’amorcer ou de créer un déséquilibre. Dans kaïten nage, l’atémi à la nuque a pour fonction d’exploiter le déséquilibre en fixant le partenaire. Bien évidemment, l’atémi n’est pas porté, mais par son shisei Tori exerce une pression suffisamment forte pour que Uke n’ait pas la possibilité de se relever.
C. L’atémi dans la phase finale
7ème exemple : SANKYO OMOTE Dans l’exécution de certaines techniques, le passage du déséquilibre à la phase finale peut offrir à Uke une opportunité. Dans l’exemple de sankyo omoté, l’atémi permet à Tori de repasser devant Uke pour l’amener au sol en gardant le contrôle et en se protégeant. De façon générale, l’atémi peut permettre de canaliser le comportement de Uke pendant l’exécution d’une technique.
8ème exemple : SHOMEN UCHI KOKYU NAGE L’atémi peut contribuer à la projection par la pression exercée sur le partenaire (Sens de coupe dans l’engagement du corps). La distance de frappe donne à Tori le meilleur placement pour projeter. Sur cette technique Uke ne chute pas uniquement à cause de l’atémi ; la frappe vient compléter le déséquilibre provoqué par l’extension exercée au niveau du coude du partenaire.
9ème exemple : CHUDAN TSUKI IRIMI NAGE (entrée directe) Dans ce dernier exemple, les trois phases de construction se confondent. Le placement de Tori qui se caractérise par une entrée directe, la main à la hauteur du visage, provoque la mobilité (ou le déséquilibre) de Uke. L’exécution d’une chute « feuille morte » permet à Uke d’esquiver l’atémi. En fonction des capacités de chute du partenaire, Tori appuiera plus ou moins son atémi de façon à ne pas le blesser. Au-delà de l’atémi, ce qui est essentiel c’est le placement de Tori qui doit manifester détermination et engagement.
Si, le plus souvent, en Aïkido on ne frappe pas, potentiellement l’atémi est toujours présent, il peut intervenir à tout moment. C’est à partir de cette menace omniprésente que Uke va tirer les informations qui lui permettront de se placer, de rester offensif, de se préserver ou de chuter.
Bernard PALMIER