(Entretien avec Bernard PALMIER suite à sa nomination au grade de 7ème dan - diffusé par la revue d’Aïkido FFAAA fin 2007...)
Vous venez d’être nommé 7ème dan , pourriez-vous nous dire par qui et comment ce grade est décerné ? Le 7ème dan est attribué par la CSDGE au nom de l’UFA , à l’issue d’une demande faite par le bureau fédéral de la fédération d’appartenance. Comme tous les « dan », c’est un grade d’Etat reconnu par le Ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports puisque la CSDGE a la délégation ministérielle.
Sur quoi peut-on se baser pour nommer un 7ème dan puisque pour les grades de haut niveau il n’y a pas d’examen technique ? Sur ce point le système français s’inspire de ce qui se fait à l’Aïkikaï de Tokyo. Jusqu’au 4ème dan on apprécie une performance technique. Le candidat a 15 minutes pour montrer qu’il a le niveau requis pour le grade qu’il présente. A partir de 5ème dan, c’est autre chose. On ne regarde pas un quart d’heure de prestation, on se retourne sur une carrière, sur une vie de pratiquant. Entre 6ème et 7ème dan, 12 années se sont écoulées. Qu’est-ce qui s’est passé pendant ces 12 années ?
Est-ce qu’il y a des critères d’évaluation précis ? Si l’on se réfère au règlement particulier de la CSDGE, à partir du moment où la durée administrative entre 2 grades est respectée , « un grade de haut niveau peut être attribué à un licencié qui contribue de façon significative au développement de la discipline ».
Pour préciser ce que l’on entend par « contribuer de façon significative », la CSDGE s’appuie effectivement sur 4 ou 5 critères :
Les compétences techniques
Les compétences pédagogiques
La pratique personnelle
L’engagement fédéral
Le nombre d’élèves gradés et/ou le nombre de clubs créés...
Est-ce que vous pourriez nous donner quelques exemples concrets pour illustrer ces critères ?
Le nombre d’élèves gradés ou le nombre de clubs crées est un élément quantitatif simple à repérer. L’engagement fédéral peut s’apprécier à partir d’éléments factuels tels que : la participation effective aux instances fédérales et inter fédérales, la disponibilité pour participer aux jurys d’examen (passages de grades, Brevets fédéraux, Brevets d’Etat), le travail réalisé au sein du Collège Technique, la participation aux séminaires du Collège Technique et aux séminaires inter fédéraux, le travail de DTR ou de membre du Collège Technique qui fait l’objet chaque année d’un rapport d’activités...etc.
Les compétences techniques et les compétences pédagogiques sont parfois indissociables, elles déterminent la notoriété du technicien qui peut se caractériser par le nombre de stages techniques animés, la fréquentation à ces stages, ce que l’on « entend dire » sur le technicien dans la mesure où les propos tenus se recoupent dans la durée...
Les compétences pédagogiques peuvent aussi s’apprécier en faisant référence à des éléments précis comme l’organisation et l’animation d’écoles des cadres et/ou de formations destinées aux enseignants et futurs enseignants, la rédaction d’articles alimentant la réflexion collective sur le plan pédagogique...etc.
Pour objectiver l’appréciation des compétences techniques et de la pratique personnelle, on peut s’appuyer sur une participation effective à des stages fédéraux, sur des séjours à l’Aïkikaï de Tokyo, sur la reconnaissance technique de ses pairs... Ce ne sont que quelques exemples.
Ces critères doivent être assez précis pour étayer une demande sous forme de dossier signée par un expert d’un grade supérieur ou au moins équivalent au grade demandé. Ce type de promotion ne peut pas être sollicité par le licencié lui-même ; la demande ne peut être présentée que par une instance fédérale... Pour le 7ème dan la CSDGE est censée prendre en compte l’avis du Conseil Supérieur des hauts gradés, constitué par six membres tous au moins 7ème dan...
Je ne suis par sûr que cette procédure soit connue et bien comprise. Ces grades restent un peu « mystérieux ». Ils peuvent être perçus comme des grades honorifiques qui sanctionnent plus la fidélité et les services rendus à la fédération qu’un niveau technique... L’engagement fédéral est déterminant, pour autant si ce grade de haut niveau est attribué à un membre du collège technique, la prise en compte de sa pratique, de ses compétences techniques et pédagogiques est fondamentale. Tout dépend de celui ou celle à qui on délivre le grade.
En ce qui me concerne, en tant que DTR ce grade sanctionne forcément ma pratique, mon travail technique et pédagogique... Peut-être faudrait-il une plus grande transparence sur la procédure pour montrer qu’il n’ y a pas de « magouillage » ou de « copinage » mais un réel souci d’objectivité et d’équité de la part de la CSDGE.
On pourrait également améliorer la façon d’annoncer et de remettre les grades de haut niveau, même si, pour mon 7ème dan, je reconnais que les choses ont été bien faites.
Généralement l’information est plutôt discrète et plus ou moins banalisée. Notre fédération devrait se valoriser davantage à travers ses gradés. C’est important pour une fédération d’arts martiaux d’afficher de plus en plus de hauts gradés.
Vous dites que l’information est plus ou moins banalisée, mais c’est un peu la rançon de la gloire. Il y a de plus en plus de 5ème et de 6ème dan et il y aura de plus en plus de 7ème dan... Oui, mais en même temps il faut comprendre que ce n’est pas systématique, tout le monde ne sera pas 5ème, 6ème ou 7ème dan. Et s’il y a de plus en plus de grades de haut niveau, il faut faire en sorte que, malgré tout, ces grades aient du sens et soient crédibles.
Le sens et la crédibilité d’un grade dépendent aussi de chacun. Il y a sans doute pour chaque pratiquant un grade qui aura plus d’importance ou plus de sens qu’un autre et ce n’est pas forcément le grade le plus élevé...Est-ce que vous avez vécu vos grades de la même façon, avec la même intensité ? Vous avez raison, il y a une part qui est purement subjective liée à l’histoire et aux circonstances. C’est certainement le 6ème dan Aïkikaï qui reste pour moi le grade le plus chargé de sens et d’émotion. Je l’ai reçu en février 1998, à Tokyo des mains du Doshu, Kishomaru Ueshiba, dans sa maison en présence de son fils Moriteru et de Christian Tissier qui lui était venu pour son 7ème dan.
En fait, si le règlement protocolaire de l’Aïkikaï avait été respecté, c’est le Dojocho, le Directeur technique de l’Aïkikaï, à l’époque Moriteru Ueshiba, qui aurait dû me remettre mon 6ème dan et non pas le Doshu qui ne remet les grades qu’à partir de 7ème dan. Recevoir le 6ème dan des mains du Dojocho c’est déjà très valorisant, mais le recevoir des mains du Doshu, ça prend encore une autre dimension... Beaucoup plus tard j’ai appris que Christian Tissier avait insisté fortement auprès de Moriteru Ueshiba pour que le grade me soit remis par son père déjà gravement malade et qui devait mourir peu de temps après. Tout cela peut paraître anecdotique, mais c’est pour moi un souvenir inoubliable que je dois à Christian Tissier...
Finalement qu’est-ce que ce 7ème dan représente pour vous ? C’est une reconnaissance qui vient de l’ensemble des acteurs de l’Aïkido français, techniciens, dirigeants et administratifs des deux fédérations puisque la CSDGE est paritaire... et ça fait d’autant plus plaisir que notre fédération a décidé de nommer un seul 7ème dan par an et que la décision est prise à l’unanimité.
Pour moi ce grade est un nouveau point de départ. J’ai la volonté de le mériter dans la durée pour ceux qui m’ont fait confiance en me l’accordant et pour mes élèves à qui je dois énormément et que je ne veux pas décevoir.
Une dernière question, d’après vous, quelle doit être la plus value d’un 7ème dan ? Quelle est la place des « anciens » dans la pratique ? Sûrement pas de rivaliser avec les « jeunes » pour montrer que l’on peut encore chuter et travailler comme eux.
J’espère pouvoir pratiquer et chuter le plus longtemps possible, non pas parce que je reste « jeune » mais parce que ma pratique évolue...
La plus value d’un 7ème dan c’est peut-être, par l’expérience et l’ancienneté, une plus grande capacité à donner du sens à la pratique (vers quoi essaye-t-on d’aller ? Dans quelles perspectives s’inscrit-on ?), une plus grande capacité à illustrer concrètement ces perspectives...
Il faudrait réfléchir, sans doute, à une répartition plus judicieuse des rôles entre les techniciens et peut-être laisser ou déléguer aux jeunes techniciens (4ème et 5ème dan) certains aspects de la pratique plus techniques et plus « terrain »...